samedi 3 novembre 2012

Headscrew




En ce moment je n'ai pas le temps de vivre car j'ai enfin trouvé mon stage. Non, l'expression accorte est "J'AI ENFIN TROUVE MON STAGE!!!!" avec plein de points d'exclamation.  Après presque trois mois de galère à brandir ma convention de stage et un sourire grand format sensée démontrer ma motivation, ma rage de vaincre et mon potentiel sympathique, j'ai trouvé mon stage dans une grosse maison d'édition. Me voici propulsée stagiaire assistante d'attachée de presse pour une durée de trois mois.

Je suis dans la dernière ligne droite de ma semaine de bleue et je suis sur les rotules.  Manifestement, mes employeurs n'ont aucune notion du temps d'adaptation. Bref, je n'ai pas chômé. J'ai passé la  semaine à répondre au téléphone, faire des photocopies, monter et descendre des escaliers, faire du mailing intensif, écrire des communiqués et tenir un calendrier excel de toute beauté et je me sens exténuée. 

Position de sous sous subalternes oblige, j'ai une chef, Aurore, et la profonde antipathie que j'ai ressentie à son égard à son premier "Mahlia Stones" s'est rapidement confirmée en haine pure. Aurore est une femme surnaturellement blonde, mince, aux lèvres et seins charnus, et au comportement quelque peu acide . Comprendre : une adepte de la chirurgie plastique et une sacrée conne.

A son énième minauderie au passage d'un cadre ++ , j'ai cerné sa dinderie. Et puis très vite son inévitable pimbêcherie. Son truc? User et abuser de son pouvoir pour me faire faire la serveuse de café et plus généralement la larbine. Ok, je fais un stage donc JE SUIS une larbine, mais j'aimerais assez ne pas voir sa tête de fouine dédaigneuse me le rappeler à peu près toutes les secondes.

Donc, ce matin (car oui, je travaille le samedi matin et j'adore ça) je sers café, le thé et le sucre dans la salle de réunion où tout les messieurs, dames de la boîte discutent. Le style général de la maisonnée est bobo chic faussement décontracté avec le combo veste + chemise + jean et chaussures en daim chez les hommes et tailleur jupe + chemise bucheronne + talons vernis et collants chez les femmes. Mis à part les couleurs qui varient un peu, la pièce respire le mimétisme.




Je marche vers la grande table circulaire et remercie le ciel d'avoir été serveuse avant, car le plateau est lourd. Puis je me demande si ce ne serait pas la raison précise pour laquelle j'ai été embauchée. J'en suis au troisième thé et au quatrième café quand la porte s'ouvre derrière moi. Je suis toute affairée et quasiment au bout de ma mission quand je vois Monsieur Grand Patron se lever pour accueillir la personne qui est entrée. Je dépose le dernier café et appuie le plateau sur ma hanche avec la satisfaction du devoir accomplie et l'anticipation de ma liberté. Monsieur Grand Patron ouvre la bouche quand  je relève les yeux.

" Mesdames et Messieurs, j'aimerais vous présenter le nouveau Chef de produit Junior au sein de la section Jeunesse, Benjamin Nau."

Stupeur et tremblement.

C'est lui.

C'est Coup Du Soir.

Merde, merde, merde.

Ma mâchoire se décroche de stupéfaction, tandis que le regard de Benjamin balaient la salle pour se ficher dans le mien écarquillé et en pleine confusion.  Lui est beaucoup plus sobre dans sa surprise, à peine un haussement de sourcils et un regard étonné. Je referme bien vite la bouche et me met immédiatement à évaluer mes options de sorties. Aux congratulations et serrage de main de la petite foule qui converge vers nous, j'en profites pour essayer de tracer ma route. Je suis à la porte quand Grand Patron m'interpelle.

- Mademoiselle? Seriez-vous assez aimable pour aller chercher un...?
Il se tourne vers Benjamin avec un regard interrogateur.
- Un café noir fera très bien l'affaire.
- Un café, je vous prie mademoiselle...?
Apparemment, Grand patron est expert en question muettes. Mais dommage pour lui, ma bouche est sèche et  je ne parviens qu'à émettre un vague borborigme.
- Quel est votre nom? me demande t-il.
- Stones, je réponds avec empressement ma bouche soudainement en état de marche. Dahlia Stones.
Je jette un bref regard à Benjamin, qui m'observe avec un sourire en coin. Le fameux sourire en coin. Je fais vite volte face et prépare dans la salle attenante un café super rapidement sans réfléchir. De retour dans la salle de réunion, je dépose le café sur la table, en face de Benjamin et me retourne très très vite pour m'en aller. A mi chemin vers la porte, je l'entends murmurer.

- Merci...Dahlia."

Je suis quasiment sûre qu'il sourit, mais je n'ai aucune envie de vérifier alors je hoche la tête et franchis la porte pour me retrouver bien vite derrière mon bureau en proie à une crise de "What... The... Fuck????!!!!!" véritable.



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