Suite au monologue fatal, j'ai freiné sur les
évènements festifs et alcoolisés dans le but d'éviter un faux pas éventuel de
ma part qui n'aurait pas manqué, j'en suis sûre. Malheureusement pour moi, je
n'ai pas eu le pouvoir d'éviter l'événement non festif et craignos de
taille: Le dîner en famille mensuel...
Il n’y a rien de + éprouvant nerveusement que de
dîner avec ma mère, Gilles (son « compagnon ») et Elise ma demi-sœur (son
insupportable ado de 15 ans.) Le dîner en lui-même est toujours pareil :
un classique entrée-plat-dessert, composés des sempiternels plats « salade
d’endives/poulet rôti/crème brûlée. » Grâce à ce que ma mère appelle mon « petit
passage à vide » j’ai pu skippé cette épreuve pendant quelques mois ô
combien bénis. Mais aujourd’hui sonne mon retour dans l’arène c'est-à-dire la
salle à manger maternelle et son impeccabilité grinçante.
Comme de juste nous commençons avec l’horrible
salade d’endives cuites, spécialité de Gilles et quelque chose comme son unique
contribution à l’art culinaire. L’endive bouillie à l’ail se classe dans mon
palmarès personnel vers le très dégueulasse et tout juste mangeable, Je n’ai
aucune intention d’avaler ne serait-ce qu’une bouchée de cette vague purée
verdâtre, mais Gilles étant la personne la moins irritante de la tablée (je ne
l’ai vu parler qu’en de très rares occasions et presque toujours pour demander du sel
ou du poivre) je fais bonne figure, et pour donner le change je coupe et
découpe le contenu de mon assiette en écoutant poliment la conversation.
Conversation qui se tourne rapidement vers ma vie
perso/mes études/mes amours. J’ai la joie incommensurable de connaitre les vues
sur ce sujet sensible de toute la petite famille et mes efforts pour changer le
topic sont balayés par les commentaires qui vont bon train.
« Ma chérie, commence ma mère, tu devrais t’arranger
un peu. Ton heure de gloire c’est maintenant. On est à l’apogée de sa beauté à
la vingtaine, tout le monde le sait. Une fille belle et bien habillée est
beaucoup plus agréable à regarder que quelqu’un qui se néglige. On attire bien
les mouches avec du miel.
-
Je crois que l’expression accorte est « on n’attire
pas les mouches avec du vinaigre » Maman… je la coupe avec l’espoir que ça
l’arrête.
-
On s’est compris. Quoi qu’il en soit avec tes habits
noirs et sinistres, tu ressembles à du vinaigre ma puce, m’assène t-elle d’un
air compatissant.
Des petits rires fusent du
côté ado de la table. Elisa adore carrément voir ma mère me fustiger, son
visage habituellement aussi heureux que celui d’un crapaud sous anxiolytiques
irradie d’un bonheur absolument pas factice.
-
Si je te dis ça c’est pour ton bien. De mon temps, j’adorais
me faire coquette, être belle et le montrer. Franchement je ne te comprends
pas.
-
Peut-être qu’elle ne veut pas être belle, glisse Elisa.
Je la considère un sourcil
haussé, décontenancé par cette sortie en ma faveur.
-
Se faire belle, ça demande de la volonté. Et peut être
qu’elle n’en a pas, continue t-elle perfide.
-
Exactement ! Tu n’as aucune volonté ma chérie. Si
tu avais un brin plus de jugeotte tu aurais déjà trouvé un autre Jules. Combien
de temps ça fait maintenant ? Sept ou huit mois ?
- Cinq , je murmure.
-
C’est pareil. Quand ton père m’a quitté, je me suis
remis en selle même si ça m’a été difficile tu sais. Le secret c’est de ne
jamais se prendre en pitié, tu m’entends ? Ne jamais s’apitoyer, me
déclame t-elle d’une voix presque mystique en agitant un doigt.
Et ainsi de suite, pendant
tout le repas. J’ai la jauge à courage qui s’épuise à vitesse grand V et je
commence à trépigner du pied lorsque le dessert arrive. Mon estomac se noue
tandis que je vois la main de ma mère déposer les ramequins devant chacun d’entre
nous. Je n’ai rien contre la crème brûlée, ce dessert sucré est même plutôt
bien apprécié de mes papilles mais le dessert dans ma famille est toujours le
moment où l’interrogatoire-critique de ma mère est le plus éprouvant.
-
D’ailleurs, as-tu fait des rencontres ?
Son ton faussement innocent ne
me trompe pas. Si je réponds non, je suis repartie pour un autre cycle « que
va t-on faire de toi ma pauvre ? » et si je réponds oui, sa
curiosité ne connaitra pas de limites. Et quand bien même la réponse était oui,
je ne peux quand même pas dire à ma mère « techniquement on a juste couché ensemble,
je ne le connais pas ». Je n’ai toujours pas statufié sur le Benjamin
Trucmuche. Si trucmuche, il y a. Mais je me comprend. Tandis que je
considère les deux possibilités avec l’impression de devoir opter entre la
peste et le choléra, les yeux de ma mère s’écarquillent et je réalise mon erreur. Trop tard. Mon silence
prolongé a été pris pour une réponse.
-
Qui est ce ? Comme s’appelle t-il ? Comment l’as-tu
rencontré ? me mitraille t-elle.
-
Ce n’est personne Maman, je t’assure, je ne le connais
même pas, je tente de la calmer.
-
Et pourquoi ça ?
-
Parce qu’il ne compte pas Maman, ce n’est personne et
je vais plus le revoir. »
Grâce à un miracle (je soupçonne une intervention
divine) j’arrive à marmonner que j’ai un RDV à une fête démentielle (avec pour tout invités mon lit et un
bouquin) et à me carapater sans que je sois assailli par plus de questions
encore. LIBERTÉ.
Je me suis tellement reconnue dans ce post, même si j'ai 5 ans de plus que toi! La famille c'est quand même bien ennuyant pour ne pas dire em***dant... Courage à toi et je prie les Dieux pour que tu continue à nous écrire!
RépondreSupprimerJe viens de trouver ton blog par hasard :) j'ai tellement ri que je tenais à te remercier: merci, merci, merci pour tes articles ils sont excellents!
RépondreSupprimer